Henri Mondor, le plus lettré des grands chirurgiens disait : «  L’Auvergne, on la sent en Juin dix kilomètres avant de l’aborder, toute enveloppée dans la fragrance de ses genêts ».

A cette époque, la route des vacances se nommait RN 7, qui filait vers la Riviéra, non sans faire un détour sur les contreforts de l’Auvergne, desservie par la RN 9 au départ de Moulins-sur-Allier.Raymond Cortat se souvient qu’en traversant la forêt de Fontainebleau, des fillettes lui tendaient des bouquets de jonquilles ou narcisses que les paysans du Cantal appellent : « les bragues del coucut »

On entrait alors dans la Semaine Sainte, temps des « Réveilhés » et du dimanche des « rampals » avec ses bouquets de buis.

Bien vite, apparut le joli mois de Mai ou mois de Marie, alors que sur les planèzes des hommes en bourgerons aux larges chapeaux, conduisaient les troupeaux rouges, en chantant au crépuscule les célèbres baïleros.

Divers témoignages se sont accordés pour donner une certaine image de l’Auvergne, la définissant comme une île verdoyante avec ses volcans enrubannés de nuées, avec ses cascades au flanc des basaltes de cette île, il a toujours été difficile d’y entrer et d’en sortir de par le rempart définitif  de ses terrains primitifs. Les étrangers qui vont la traverser ou y demeurer, éprouvent encore aujourd’hui cette sensation,bien que le Royaume vert soit toujours aussi romantique.

Ses vaillantes rivières ont patiemment creusé de belles vallées en auge, dans les granites et les porphyres. Elles se sont frayées un chemin à travers les centres éruptifs de l’Aubrac, du Plomb, du Cézallier, des Monts Dore. L’île cantalienne paraît entourée d’autres petites îles aériennes basaltiques, coupées de fossés intérieurs : la Cère, l’Allagnon, la Rhue. Michelet parcourant ces belles pelouses cantaliennes, relevait entre autres contradictions, celle d’un pays froid sous un ciel déjà méridional. En fait, il existe deux Auvergnes, la Basse dans l’ombre du Puy-de-Dôme, et la Haute, dans celle du Plomb du Cantal.

Le Cantal, cet Etna découronné, n’a cessé de faire verdoyer et fleurir une luxuriante végétation littéraire comme Jean Ajalbert, cantalien de Paris, Gandilhon Gens d’Armes, Pierre Besson, Maurice Toesca, Arsène Vermenouze, Maurice Barrès, l’arverne-lorrain… Ils font partie de notre patrimoine.

En remontant le cours des âges, Saint Austremoine  évangélisa l’Auvergne au deuxième siècle, jusqu’à Nevers et Bourges. Il confia à St Mamet et à St Mary, de porter la parole du Christ dans la montagne de Haute-Auvergne. Ainsi St Mary parcourut la vallée de l’Allagnon..vingt-sept chapelles lui furent dédiées. Au XIème siècle, quelques zélés mauriacois, jugeant que les textes du Saint n’étaient pas assez honorés à St Mary-le-Cros, au-dessus de Ferrières, s’emparèrent de ses reliques, alors que les habitants étaient partis à la foire de Massiac. Elles furent transportées à Mauriac en grande pompe, où elles sont toujours.

Au XIème siècle, Conques fonda les prieurés clunisiens de Valuéjols et de Tanavelle. On peut compter au nombre des grands spectacles de l’Auvergne médiévale, celui des processions de Sainte Foy vers Pierrefort, St Flour et Massiac-Molompize. Quand aux cheminements vers St Jacques de Compostelle, plusieurs routes au départ du Puy, de Clermont vers Aurillac, traversaient l’ouest cantalien et les planèzes.

Quel diocèse peut-il s’énorgueillir de posséder autant de sites mariaux avec ses vierges noires : Murat, Vauclair, Laurie, Bredons, succédant aux déesses de la nuit. N’oublions pas aussi nos « Ménettes », femmes pieuses et dévotes de nos villages.

Le voyageur arrivant à Massiac par la RN 9 (l’A 75 aujourd’hui desservant notre village étape), perçoit une plaine, la Limagne massiacoise, prolongée par celle de Molompize. Là, s’y prélassent, pêchers, amandiers, pommiers, vigne. Cette riviera cantalienne est la « copie-collée » de celle de Maurs ; Massiac et Maurs ne sont-ils pas les deux Nices du Cantal ?

L’entrée Nord est balisée par les deux chapelles perchées sur leurs promontoires : Ste Madeleine, avec sa grotte solaire, et St Victor, symbolisant une porte fleurie.

Le poète humaniste massiacois, auteur de « Flammae », Pierre Rodet, évoquant la montagne grecque sous le ciel bleu d’Hellas, la comparait à celle de Massiac au ciel florentin. 

Outre Rodet, Massiac eut ses célébrités, comme les Duchamp, artistes majeurs du XXème siècle, Elise et Jean Rieuf, Alphonse Vinatié, Antoine Avinin, Compagnon de la Libération, Pierre Ferrari, éminent photographe militaire, disciple de Pierre Schoendoerffer.

Deux familles dominèrent l’Histoire locale : Apchon et d’Espinchal.

Elle marqua les « Grands Jours d’Auvergne ».

Gaspard d’Espinchal fut l’artisan du mariage du grand dauphin Louis de Bourbon avec la princesse Palatine Anne-Christine de Bavière.

Hippolyte se couvrit de gloire au service de Napoléon, dans le même escadron où servit Jean-Baptiste Barrès, parti de Blesle en 1804.

Maurice, son petit-fils publia en 1922 un roman en pensant à l’Allagnon. Il y comparait un martin-pêcheur, un oiseau bleu volant sur l’Oronte, rapprochant ainsi le ciel de Blesle-Massiac et celui de l’Orient.

Tout au long de son parcours, les gorges de l’Allagnon tournant le dos à l’Aquitaine, étaient surplombées par plusieurs forteresses féodales, telles des burgurs rhénans : Mardogne, Aurouze, Léotoing, Vernière, Montgon. Celle de Chalet-le-Chastel n’a laissé que sa chapelle Ste Madeleine, figure emblématique de Massiac d’aujourd’hui.

C’est à Massiac en 1861, qu’arriva le premier train du Cantal de la  Cie P.O, avant que la ligne soit prolongée vers Murat et Aurillac en 1866.

C’est aussi à Massiac, que fut lancé dans les années 1980, le célèbre train « Aubrac » en direction de Gar abit et Béziers. De cette conquête du train en 1861, un premier essor industriel s’implanta au « Pays de Massiac » avec une exploitation industrielle des mineurs de plomb d’argent, d’antimoine, sans oublier quelques traces d’or sur Bonnac, gisements découverts par les caravanes tyrrhéniennes, venues de Marseille et pénétrant en Gaule.

Ta fortune, « Hautes-Terres », elle est dans toutes les rivières, dans toutes les sources bénéfiques, issues du Plomb, du Puy Mary jusqu’à Chantejail et au-delà de la fontaine du Par avec son eau à 81,5°.

Ta fortune est aussi dans tes fils  des « Bois-Charbons », dans tes roulants, dans tes chineurs exilés volontaires en quelques bourgades de la Manche, des Alpes, de l’Extrémadure, des migrants de Paris à Séville, jusqu’en Argentine. Ce sont les pauvres pélerins de St Jacques qui enseignèrent aux Arvernes la route de l’Espagne. Pour en revenir, il leur arrivait de faire un détour par l’Algérie et l’Italie.

L’Espagne attira aussi Massiac, la ville n’est-elle pas jumelée avec Faura, province de Valence ?

Vermenouze, auteur de « Flour de Brousse », a vécu plus de 20 ans en Espagne, pratiquant le colportage, trafiquant poivre et cannelle, présentant toiles et draps, allant vers la clientèle au lieu de l’attendre, ce que font encore les marchands de toile de l’Artense et du Cézallier. Arsène Vermenouze, natif d’Ytrac, exilé loin de sa terre, en est revenu poète, tel un Mistral auvergnat.    

Cet exil cantalien a forgé bien des hommes, partis sous la coquille des Jacquaires pour revenir sur un chemin d’étoiles, bordé par l’énergie loin de la route d’or, dont on prétend que Gerbert aurait doté la Jordanne.

Il y a encore aujourd’hui une aventure auvergnate qui court à travers le monde. Heureux sont ces migrants se rassemblant pour la traditionnelle veillée, devisant autour d’un lointain cantou, tout en dégustant un verre de vin du Fel ou des Palhas. L’aventure rapproche toujours les hommes et les femmes, partis des « Hautes Terres », plus loin que le « Camino Francés », né en Europe médiévale.

Si les troubadours cantaliens d’autrefois ont disparu, le répertoire de Joseph Canteloube et les danses folkloriques perpétuent les traditions ancestrales au sein de la Ligue Auvergnate. La cabrette à Jojo continue de « hanter » les rencontres auvergnates franciliennes de 2018, comme au temps des bals musette massiacois de la Boule Rouge, rue de Lappe et de l’As de Cœur, rue des Vertus.

Paris a honoré, entre autres, deux cantaliens célèbres, en leur donnant le nom d’une rue : Louis Bonnet l’Aurillacois, qui publie le 14 Juillet 1882, le 1er Numéro de l’Auvergnat de Paris, « Tout pour l’Auvergne » était sa devise, mais également Marcel Duchamp, le Massiacois, dont l’œuvre bouleversa radicalement l’art du XXème siècle. Ne fait-il pas partie du petit cénacle des artistes  comprenant Matisse, Picasso, Mondrian.

C’est par une expo de Marcel Duchamp, que fut inauguré le Centre National d’Art et de Culture Georges Pompidou en 1977, né à Montboudif en Artense.

C’est aussi en Artense que naquit Albert Monier, cantalien de Paris illustre photographe, humaniste aux 80 millions de cartes postales et aux 10000 posters vendus dans le monde.

En refermant le livre des « Réveilhés », souvenons-nous des veilleuses de Septembre, ces pâles colchiques rythment encore aujourd’hui, la dévalade des vaches rouges de retour d’estive à la St Michel.